Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais, reprit le jeune homme, le seigneur Hacket, que nous attendons, ne nous a-t-il pas promis que Han d’Islande se mettrait à la tête de notre insurrection ?

— Il l’a promis, répondit Kennybol ; et, avec l’aide de ce démon, nous sommes sûrs de vaincre toutes les casaques vertes de Drontheim et de Copenhague.

— Tant mieux ! s’écria le vieux mineur ; mais ce n’est pas moi qui me chargerai de faire la sentinelle la nuit près de lui.

En ce moment, le craquement des bruyères mortes sous des pas d’homme appela l’attention des interlocuteurs ; ils se détournèrent, et un rayon du foyer leur fit reconnaître le nouveau venu.

— C’est lui ! — C’est le seigneur Hacket ! — Salut, seigneur Hacket ; vous vous êtes fait attendre. — Voilà plus de trois quarts d’heure que nous sommes au rendez-vous.

Ce seigneur Hacket était un homme petit et gras, vêtu de noir, dont la figure joviale avait une expression sinistre.

— Bien, mes amis, dit-il ; j’ai été retardé par mon ignorance du chemin et les précautions qu’il m’a fallu prendre. — J’ai quitté le comte Schumacker ce matin ; voici trois bourses d’or qu’il m’a chargé de vous remettre.

Les deux vieillards se jetèrent sur l’or avec l’avidité commune, aux paysans de cette pauvre Norvège. Le jeune mineur repoussa la bourse que lui tendait Hacket.

— Gardez votre or, seigneur envoyé ; je mentirais si je disais que je me révolte pour votre comte Schumacker ; je me révolte pour affranchir les mineurs de la tutelle royale ; je me révolte pour que le lit de ma mère n’ait plus une couverture déchiquetée comme les côtes de notre bon pays, la Norvège.

Loin de paraître déconcerté, le seigneur Hacket répondit en souriant :

— C’est donc à votre pauvre mère, mon cher Norbith, que j’enverrai cet argent, afin qu’elle ait deux couvertures neuves pour les bises de cet hiver.

Le jeune homme se rendit par un signe de tête, et l’envoyé, en orateur habile, se hâta d’ajouter :

— Mais gardez-vous de répéter ce que vous venez de dire inconsidérément, que ce n’est pas pour Schumacker, comte de Griffenfeld, que vous prenez les armes.

— Cependant… cependant, murmurèrent les deux vieillards, nous savons bien qu’on opprime les mineurs, mais nous ne connaissons pas ce comte, ce prisonnier d’état.

— Comment ! reprit vivement l’envoyé ; pouvez-vous être ingrats à ce