Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XV

Sois le bienvenu, Hugo ; dis-moi, toi… as-tu jamais vu un orage aussi terrible ?
Maturin, Bertram.


Comment se sont commis ces meurtres horribles ?
Shakespeare, Roméo et Juliette.


Dans une salle attenante aux appartements du gouverneur de Drontheim, trois des secrétaires de son excellence venaient de s’asseoir devant une table noire, chargée de parchemins, de papiers, de cachets et d’écritoires, et près de laquelle un quatrième tabouret resté vide annonçait qu’un des scribes était en retard. Ils étaient déjà depuis quelque temps méditant et écrivant chacun de leur côté, quand l’un d’eux s’écria :

— Savez-vous, Wapherney, que ce pauvre bibliothécaire Foxtipp va, dit-on, être renvoyé par l’évêque, grâce à la lettre de recommandation dont vous avez appuyé la requête du docteur Anglyvius ?

— Que nous contez-vous là, Richard ? dit vivement celui des deux autres secrétaires auquel ne s’adressait point Richard, Wapherney n’a pu écrire en faveur d’Anglyvius, car la pétition de cet homme a révolté le général quand je la lui ai lue.

— Vous me l’aviez dit, en effet, reprit Wapherney ; mais j’ai trouvé sur la pétition le mot tribuatur, de la main de son excellence.

— En vérité ! s’écria l’autre.

— Oui, mon cher ; et plusieurs autres décisions de son excellence, dont vous m’aviez parlé, sont également changées dans les apostilles. Ainsi, sur la requête des mineurs, le général a écrit : negetur.

— Comment ! mais je n’y comprends rien ; le général craignait l’esprit turbulent de ces mineurs.

— Il a peut-être voulu les effrayer par la sévérité. Ce qui me le ferait croire, c’est que le placet de l’aumônier Munder pour les douze condamnés est également mis à néant.

Le secrétaire auquel Wapherney parlait se leva ici brusquement.

— Oh ! pour le coup, je ne peux vous croire. Le gouverneur est trop bon et m’a montré trop de pitié envers ces condamnés pour…

— Eh bien, Arthur, reprit Wapherney, lisez vous-même.