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Sur ces vieux rocs que la mousse a couverts,
Et dont le front se voûte en superbes arcades,
Chargé du tribut des hivers.
Il gronde, écume, tombe en brillantes cascades.
Et jaillit au loin dans les airs.

Sur cette nappe éblouissante ,
Phébé jette en tremblant ses obliques rayons ;
J’admire de ces lieux la grandeur imposante.
Mais sa peinture échappe à mes faibles crayons.
Que vois-je ? quelles sont ces ruines antiques,
Ces vieux créneaux, ces vastes tours,
Et ces vitraux brisés et ces porches gothiques,
Et ces murs dont la lune argente les contours ?
Sous ces remparts détruits, sous ces sombres portiques,
L’Aquilon en sifflant s’engouffre avec fureur,
Et l’orfraie, aux chants prophétiques,
Trouble de ces donjons la ténébreuse horreur…
Mes cheveux sur mon front se dressent… Ô terreur !
À ces cris plaintifs et funèbres,
La chouette, au sein des ténèbres,
Mêle ses sinistres accents,
Et mon œil, qu’égare la crainte,
Sous cette voûte obscure où retentit sa plainte
Croit voir errer encor des spectres menaçants.

Ossian, si j’avais ton génie et ta lyre.
En contemplant ces immenses débris
Peut-être on me verrait décrire
Tout ce qu’ont vu ces superbes lambris.
Ma voix d’une autre Eviralline
Sur de lugubres tons redirait le malheur ;
Et mon pied heurterait la cuirasse divine
Qui d’un nouveau Fingal seconda la valeur.
Sous ces silencieux décombres,
Mes chants feraient errer les ombres