Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/480

Cette page n’a pas encore été corrigée

CXLIII Le pauvre;


Le pauvre; là-dessus l’accord est unanime,
Souvent vole le riche. Eh bien, de son côté
Le riche peut voler le pauvre, en vérité.
Il ne s’en doute pas, triste engeance ignorante !

Écoute et songe. Hier, j’ai touché de ma rente
Une somme, et je tire un franc de mon gousset.
Le voici. Maintenant je demande à qui c’est.
Ce franc, certe, est à moi le riche, à moi le maître.
Il est à moi si peu, que si, par la fenêtre,
Je le jette à la mer, je le vole. A qui donc ?
Aux pauvres. Oui, quiconque en notre enfer sans fond,
Plein de fièvres, de soifs, et de faims innombrables,
Perd ce qu’il peut donner, le prend aux misérables.
Qui souffre attend, et c’est un droit que le malheur.
Le prodigue est voleur et l’avare est voleur.
Car avoir c’est devoir ; car celui qui dissipe
Ou thésaurise, fait une plaie au principe ;
Car, ayant tout, il a commis, entends-tu bien,
L’affreux crime d’avoir volé ceux qui n’ont rien.

CXLIV ÉPÎTRES