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Oh ! de Strasbourg jusqu’à Bayonne ’
Quelle fête, et comme on est gai !
Compiègne rit, Biarritz rayonne ;
Saint-Cloud de joie est fatigué.
Basile raille don Quichotte.
Un doux bruit de baisers chuchote -
Dans la molle fraîcheur des bois.
On trinque ; effusion touchante !
Et le guet-apens dit : Je chante !
Et le massacre-dit : Je bois !

La table est une grandè lyre ;
Tous mangent gloire aux dieux régnants !
Le vin d’où sort l’éclat de rire’
Luit dans les verres frissonnants ;
Les femmes ont la gorge nue ;

La fanfare dans l’avenue
Saute et bondit comme un esprit
Le bal tourbillonne en cadence ;
Et maintenant, tandis qu’on danse,
Et maintenant, pendant qu’on rit,
Morts, faites vos festins funèbres,
Dressez-vous sur votre séant,
Et d’abord, mangez des ténèbres,
Ensuite mangez du néant ;
Sous les ifs que le vent balance,
Mangez de l’oubli, du silence,
De l’horreur, de la surdité ;
Mangez, spectres et pourritures !
Emplissez vos bouches obscures
De l’ombre dè l’éternité.

H. H., 15 juin 1870.

== LVII