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Juvénal transparent laisse entrevoir Virgile ;
Devant la Némésis la Galatée agile
Surgit, folle, et d’un geste’ aimable et souverain,
Jette en riant sa pomme au noir. masque d’airain ;
Et le masque effrayant sourit. Que faire, ô lyre ?
Tout est parfum, tout est rayon, tout est délire ;
L’abîme est nuptial et les flots sont lascifs ;
L’écume est de l’amour qui baise les récifs ;
Paissez, moutons ; laissez aux buissons de la laine
Pour que l’oiseau l’emploie à son nid ! vaste haleine,
Souffle ! Boeufs qui songez, tirez le soc fécond !
Le premier dieu, c’est Dieu, mais l’homme est le second.
Il crée après le Père, il règne après le Maître ;
Faire mourir n’est pas son droit, mais faire naître
Est son devoir ; la vie est à lui, non la mort.
L’arbuste tend sa feuille au chevreau qui la mord,
La rose au papillon se livre toute nue,
La violette, aussi rêve, et cette ingénue
S’offre, et partout l’idylle ouvre de vagues yeux ;
O femmes, baignez-vous dans l’océan joyeux
Qui rit de ce grand rire où se mêlent des larmes ;
Faites comme les fleurs, belles, mettez vos charmes
Un peu dehors ; amant externa camenae
O rapide Atalante, ô fuyante Daphné,
Arrêtez-vous à temps, ne courez pas si vite ;
Vous savez bien qu’on cherche un peu ce qu’on évite ;
L’enfant que, vierge, on craint, mère, on l’adorera ;
Ô Glycère, Aglaè, Lalagé, Nééra,.
Soyez les nudités adorables du rêve ;
Homère veut Vénus et Moïse veut Eve ;
Le reflet de la femme est sur tous les grands fronts ;
O vivants, nous aimons parce que nous souffrons ;
Donc l’amour est sacré. Sans peur, sans fin, sans nombre,
Aimez ! vous tous, là-bas, tout le ciel, toute l’ombre,
Aimez ; vivez, créez ! Mondes, atomes, nids,
Oiseaux, soleils, soyez les amants infinis,
Car l’immensité veut être continuée !