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Pour allumer vos coeurs fit jaillir un éclair
Sur l'un, de Diderot, sur l'autre, de Schiller;
Et maintenant chacun de vous, dans son domaine,
Eclaire un des côtés de la grande âme humaine.
Puisque vous êtes forts, amis, vous êtes doux.
Vous êtes à vous deux la lumière; aimez-vous!
Vos bouches sur les coeurs, sur les foules conquises,
Dévident l'écheveau des paroles exquises;
Liez-vous l'un à l'autre avec ces chaînes d'or.
L'éloquence est richesse et l'amitié trésor.
Le flot s'apaise, ému, dès qu'il voit l'aube luire.
Voyez-vous seulement le temps de vous sourire,
Et vous vous comprendrez; vous le devez, étant
Ceux qui domptent le siècle, en régnant sur l'instant.
Revenons, tout le reste étant deuil ou chimère,
Aux cordialités titaniques d'Homère;
Apprenez à la foule, à qui manquent les dieux,
Et qui, dans son brouillard morne et fastidieux,
S'attriste et ne voit plus d'Olympe qu'où vous êtes,
Ce que c'est que le rire éclatant des poëtes.
Sur le char lumineux soyez le couple ardent.
Oui, vous vous comprendrez, rien qu'en vous regardant.
Si tout se comprenait, tout serait harmonie;
Tout serait gloire, azur, splendeur, joie infinie,
Amour; et le chaos n'est qu'un malentendu.

Dans ma nuit orageuse où je me sens mordu
Tantôt par la vipère et tantôt par l'hyène,
Laissez-moi me débattre avec la sombre haine.
C'est mon destin. Avant que mon front se courbât,
J'ai commencé tout jeune, hélas! ce noir combat.
Jacob lutte avec l'Ange, et je lutte avec l'Ombre.
Ah! je prends pour moi seul les maux, les deuils sans nombre!
Que je sois seul saignant, tous étant radieux!
Votre accord charmera mon coeur gonflé d'adieux,
Mon âme que le sort brise et qui reste entière,
Et peut-être fera couler la larme altière