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Quoi! Régulus! d'Assas! quoi! des vertus si hautes,
De tels dévoûments, c'est à se tenir les côtes!

Écoutez-les parler: Je dis, et je m'en tords
De rire, que Socrate au fond a tous les torts;
Bien vivre, et de laquais emplir son vestibule,
Cela vaut mieux que d'être Horace ou Thrasybule;
Je préfère, en dépit de Dante le rimeur,
Trimalcion qui soupe à Thraséas qui meurt;
Je contemple Aristide avec insouciance;
Je sens mon estomac plus que ma conscience;
Je ne tiens pas le moins du monde à rayonner,
Et plus qu'un grand exploit j'estime un bon dîner.
Ayons donc le bon sens d'être ce que nous sommes,
Des nains; délivrons-nous du fardeau des grands hommes.
A bas tous ces gens-là! l'orgueil les étouffait;
Votre Léonidas veut faire de l'effet;
Qu'est-ce que Winkelried? un crétin ineffable.
Quant à Guillaume Tell, messieurs, c'est une fable.
Le lion qui mangea Callisthène a bien fait.
Hoche, Marceau, Kléber? J'aime autant Galliffet.
Vivent ceux qui toujours plièrent et fléchirent! -

Et des sages, sortis de Lilliput, déchirent
Toute la vieille histoire où ces grands noms ont lui.
On se sent insulté par la gloire d'autrui.
On excuse Anitus et l'on comprend Zoïle.
Le vrai, le faux, cela se joue à croix ou pile.
On ébauche en l'honneur du tigre un vague chant;
Est-on sûr que Néron, après tout, fût méchant?
L'oiseau de basse-cour fête l'oiseau de proie.
On est abominable et stupide avec joie;
Décroître plaît; c'est. doux et bon d'être petit;
La multitude, ayant pour amour l'appétit,
Craint la contagion des âmes magnanimes;
Duperie et devoir deviennent synonymes;
L'infamie est utile et la probité nuit