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Chacun de nous ayant sur le front la rougeur
De n'être pas celui qu'on attend, le vengeur;
Ah! si nous n'étions pas pensifs devant tout homme
Qui flétrit son bourreau, se redresse et se nomme,
Et lui prend son épée afin de le tuer,
Si nous pouvions nous taire et nous habituer
A l'opprobre, et montrer, transformation vile,
Qu'on peut être Thersite après qu'on fut Achille,
Si nous donnions raison aux rois riant entre eux,
Si nous découvrions en nous des coeurs affreux
Prêts aux consentements infâmes de la chute,
Si devant le vainqueur criant: Cessons la lutte,
Paix! et restons-en là! nous disions: J'y pensais!
Ah! tout serait fini! de sa tête, ô français,
La France arracherait, sous ses mains indignées,
Ses lauriers, et, parmi ses cheveux, des poignées
D'étoiles, qui s'iraient éteindre dans la nuit!
Non, nous ne serons pas ce qui s'évanouit;
Non, nous ne serons pas le fils qui dégénère,
Et nous saurons hâter le réveil du tonnerre.
Non, nous n'acceptons pas notre honneur obscurci.
Car ce qui fait un peuple illustre, le voici:
C'est le théâtre, c'est la tribune, c'est l'âme
De tout homme allumée à toute pure flamme,
C'est l'essor pour l'esprit, le travail pour le corps,
C'est l'art, c'est la pensée'-et l'ennemi-dehors.

Tant qu'ils sont èn Alsace et qu'ils sont en Lorraine,
Ils sont chez nous. Sur toi, France, leur sabre traîne.
Ils t'ont pris ton bien, France? Eh bien, on le reprend.
Ah! même le plus grand des siècles n'est pas grand
Si quelque ombre-de honte est mêlée à sa gloire.
Avec une aile blanche avoir une aile noire,
Non, France, non! jamais ainsi tu n'as vécu.
Et la paix n'est la paix qu'après qu'on a vaincu.