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On y sentira sourdre un souffle de combat,
On y verra la gloire en pleurs sur son grabat,
Et ces grandes clameurs auront des voix hautaines
Remuant l'âpre honte au coeur des capitaines
Et leur donnant la rage et la soif de plonger
Leur honneur dans ce flot sublime, le danger;
Et c'est ainsi qu'on sauve un peuple, et que l'on fonde
Dans toi, Paris, dans toi; Rome, une âme profonde.
Ne venez pas ici chercher d'autre plaisir
Que d'entrevoir un glaive et de le ressaisir;
L'art ne doit aux esprits que des fêtes viriles;
Ayons d'affreux jours, soit, mais pas d'instants stériles.
Plus le bonheur décroît, plus le coeur doit grandir;
L'astre accepte la nuit pour y mieux resplendir.
L'étoile, dédaigneuse au fond des cieux funèbres,
A l'augmentation de l'ombre et des ténèbres
Répond par la croissance auguste des rayons.
C'est pourquoi tous ici, tous, qui que nous soyons,
Fils de ceux qui de près virent Berlin et Vienne,
Ne trouvant pas qu'il soit juste et qu'il nous convienne
D'avoir de tels aïeux et de n'y point songer,
Et de laisser leur gloire en gage à l'étranger,
Ayant le sombre ennui d'hommes sur qui l'on marche,
Nous souvenant que c'est à nous de porter l'arche
Et d'être à l'avant-garde altière du progrès,
Nous pensons qu'il est bon d'aiguiser nos regrets,
Et qu'avec un fer rouge il faut toucher nos plaies;
Et que, puisque déjà reverdissent les haies,
Puisque voici venir le mois de mai charmant,
Nous devons regarder le sacré firmament,
Les bois, les champs, le lys, la rose, la pervenche,
Avec cette pensée au coeur: notre revanche!
Si nous nous laissions mettre aux fers par le destin,
Si, tournés vers le soir et non vers le matin,
Nous pouvions, prisonniers, continuer de vivre,
Si nous ne rêvions pas, l'âme de colère ivre,