Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée


Veux-tu que ma caresse inquiète ne fasse
Pas plus de bruit qu'un pli d'une onde qui s'efface,
Et que je sois heureux prudemment, de façon
Que ces bois, en sentant passer. ce doux frisson,
Pensent, sans devenir pour cela plus farouches,
Que ce sont deux baisers envolés de deux bouches,
Perdus par des amants au hasard-dans les prés,
Qui se sont en flottant dans l'azur rencontrés,
Et, que ces deux baisers, sans maître, espèces d'âmes,
Courent, libres, joyeux, dansants, comme deux flammes,
L'un après l'autre, et font l'amour au fond des bois?
Veux-tu l'idylle ainsi? Non. Eh bien, fais ton choix.
Que veux-tu? Tu réponds: Manger, j'ai faim.

Tu règnes.
Je te sers. Le repas est frugal. Des châtaignes,
Du miel, et quelques fruits sur des feuilles posés,
Suffisent à l'amour, vorace de baisers.
Cette voracité te déplaît, On regarde,
Me dis-tu, des passants écoutent! Prenez garde,
Monsieur, aux paysans rusés et curieux.
Soyez un amoureux du genre sérieux.
Est-ce que vous croyez que les dieux de l'Olympe
Chiffonnaient un jupon, taquinaient une guimpe?
-Oui, d'abord. -Qu'ils manquaient aux déesses? -Un peu.
Ensuite, je suis homme et je ne suis pas dieu.
-Taisez-vous. -Je me tais. Mais voilà que tu chantes!


Ah! -que les femmes sônt charmantes et méchantes!
Pour me faire tenir tranquille, tu te mets
A rire comme rit l'aube sur les sommets,
Et tu jettes au vent ta belle voix sonore.
Tu dis: soyons muets, il faut qu'on nous ignore,
Qu'on ne soupçonne pas quelqu'un dans ce ravin...
Et te voilà faisant un vacarme divin!