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Et de substituer Wagram, Jemmape, Arcole,
Les révolutions, la patrie en péril,
 
Et la rauque bataille, au tendre hymen d'avril?
Belle, ayons pour affaire unique l'arrivée
Du premier souffle tiède échauffant la couvée,
L'éclosion du lys des étangs, les rameaux
Où le nid et le vent jasent à demi-mots,
La pénétration du soleil dans les feuilles,
Le clair-obscur des eaux, le bouquet que tu cueilles,
Le parfum qui te plaît, la clarté que tu vois,
L'herbe et l'ombre, et l'amour, mélodie à deux voix.
Ici, Pan cherche Astrée et Faune guette Flore.
Ne mêlons pas la guerre à toute cette aurore,
A moins que ce ne soit la guerre des baisers.
Soyons des coeurs ardents l'un par l'autre apaisés.
Aimons. Le. mois de mai, c'est la saison lucide.
Kléber pas plus qu'Ajax, Marceau pas plus qu'Alcide,
N'ont que faire en ces champs pleins de molles faveurs
Où le printemps chuchote au fond des bois rêveurs;
Car Homère ne peut qu'effarer Théocrite;
Moschus craint l'épopée avec le glaive écrite,
Et le groupe dansant et chantant des bergers
Fuit devant le divin Achille aux pieds légers. -
Alors elle me dit dans la saison des roses:

-Ami, ne croyez pas que j'écoute ces choses;
Je ne vous en veux pas; je sais que c'est ainsi
Qu'on parle à sa maîtresse, à son esclave aussi;
Oui, l'aube au fond des bois ébauche un frais sourire,
Le doux avril accourt avec un bruit de lyre;
Les oiseaux sur qui rien ne pèse sont contents;
Oui, ce qui doit emplir nos coeurs, c'est le printemps,
C'est l'idylle, c'est Flore et Maïa, c'est Astrée,
C'est l'éden; c'est aussi la tristesse sacrée.
Toutes les fleurs ont beau me fêter à l'envi,
Je songe au noir clocher de Strasbourg asservi,