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Le presbytère est là qui garde le troupeau;
Parfois j'entre à l'église et j'ôte mon chapeau
Quand monsieur le curé foudroie en pleine chaire
L'idylle d'un bouvier avec une vachère.
Mais je suis indulgent plus que lui le ciel bleu,
Diable! et le doux. printemps, tout céla trouble un peu;
Et les petits oiseaux, quel détestable exemple!
Le jeune mois de mai, c'est toujours le vieux temple
Où, doucement raillés par les merles siffleurs,
Le gens qui s'aiment vont s'adorer dans les fleurs;
Jadis c'était Phyllis, aujourd'hui c'est Javotte,
Mais c'est toujours la femme au mois de mai dévote.
Moi, je suis spectateur, et je pardonne; ayant
L'âme très débonnaire et l'air très effrayant;
Car j'inquiète fort le village. On me nomme
Le sorcier; on m'évite; ils disent: C'est un homme
Qu'on entend parler haut dans sa chambre, le soir.
Or on ne parle seul qu'avec quelqu'un de noir.
C'est pourquoi je fais peur. La maison que j'habite,
Grotte dont j'ai fait. choix pour être cénobite,
C'est l'auberge;ion y boit dans la salle d'en bas;
Les filles du pays viennent, ôtent leurs bas,
Et salissent leurs pieds dans la mare voisine.
La soupe aux choux, c'est là toute notre cuisine;
Un lit et quatre murs, c'est là tout mon logis.
Je vis; les champs le soir sont largement rougis;
L'espace est, le matin, confusément sonore;
L'angélus se répand dans le ciel dès l'aurore,
Et j'ai le bercement des cloches en dormant.
Poésie: un roulier avec un jurement.;
Des poules becquetant un vieux mur en décombre;
De lointains aboiements dialoguant dans l'ombre;
Parfois un vol d'oiseaux sauvages émigrant.
C'est petit, car c'est laid, et le beau seul est grand.
Cette campagne où l'aube à regret semble naître,
M'offre à perte de, vue au loin sous ma fenêtre