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LI À CEUX QUI SONT PETITS


Est-ce ma faute à moi si vous n’êtes pas grands ?
Vous aimez les hiboux, les fouines, les tyrans,
Le mistral, le simoun, l’écueil, la lune rousse,
Vous êtes Myrmidon que son néant courrouce ;
Hélas ! l’envie en vous creuse son puits sans fond ;
Et je vous plains. Le plomb de votre style fond
Et coule sur les noms que dore un peu de gloire,
Et tout en répandant sa triste lave noire,
Tâche d’être cuisant et ne peut qu’être lourd ;
Tortueux, vous rampez après tout ce qui court ;
Votre oeil furieux suit les grands aigles véloces ;
Vous reprochez leur taille et leur ombre aux colosses ;
On dit de vous : -Pygmée essaya, mais ne put. -
Qui haïra Chéops si ce n’est Lilliput ?
Le Parthénon vous blessè avec ses fiers pilastres ;
Vous êtes malheureux de la beauté des astres ;
Vous trouvez l’Océan trop clair, trop noir, trop bleu ;
Vous détestez le ciel parce qu’il montre Dieu ;
Vous êtes mécontents que tout soit quelque chose ;
Hélas, vous n’êtes rien. Vous souffrez de la rose,
Du cygne, du printemps pas assez pluvieux,
Et ce qui rit vous mord. Vous êtes envieux
De voir voler la mouche et de voir le ver luire.
Dans votre jalousie acharnée à détruire,