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XLVIII Tu veux comprendre Dieu,


Tu veux comprendre Dieu, mais d’abord comprends l’homme ;
Je t’en défie.
Allons ! définis, classe, nomme,
Sonde, explique, suivant n’importe quelle loi ;
L’être mystérieux que tu portes en toi.
Scrute avec ton regard, flaire avec ta narine ;
Fouille-toi ; tire-toi l’homme de la poitrine,
Et mets-le sur ta table, et penche-toi pour, voir
Ce que c’est que ce monstre, éblouissant et noir !
Qu’en dis-tu ? Te plaît-il que nous parlions de l’homme ?
Es-tu flamme et génie ? es-tu bête de somme ?
Dis, parle. Oh ! quel spectacle étrange que ceci :
Un dieu monstre, un esprit par la chair obscurci,
Vivant, comme debout sur le tranchant d’un glaive,
Entre l’ombre qui monte et l’aube qui se lève,
Du ciel dans le fumier toujours précipité,
Et d’une extrémité dans l’autre extrémité,
Et ramené sans cesse au point dont il dévie
Par l’oscillation lugubre. de la vie !
Songes-tu quelquefois à ce mystère affreux,
La chair ? Ce corps abject, douloureux, ténébreux,
Cette vie où l’enfer dans l’azur se reflète,
Mariage effrayant d’une. âme et d’un squelette,
Cette aile intérieure et qu’un cachot meurtrit,
Cette cage des os qui renferme un esprit,