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NOTES DE L’ÉDITEUR.




I

HISTORIQUE DES QUATRE VENTS DE L’ESPRIT.

Victor Hugo n’a laissé qu’un très petit nombre de notes et d’indications sur les Quatre vents de l’Esprit. On le comprend. Il ne pouvait avoir ni plan, ni programme, puisqu’il nous offre en réalité sa poésie dans tous les genres sous un titre qui se prêtait merveilleusement à recevoir les inspirations de toutes les époques. On y trouve, en effet, la satire, le drame, l’ode, l’épopée. Les poésies sont réparties sur une durée de plus de trente années : la plus ancienne est du début de 1843 et la dernière de la fin de 1875. Elles auraient pu être espacées sur une plus longue durée, de 1822 à 1881, année de la publication.

C’eût été le livre de sa poésie dans sa diversité, dans son universalité. Victor Hugo y a un instant songé, comme nous le verrons, et il marquait bien cette intention en groupant des poésies écrites avant, pendant et après l’exil, à Paris, à Jersey, à Guernesey, à Bruxelles ; c’était là un véritable « Océan », suivant le mot qu’il avait choisi lui-même, un Océan qui s’ouvrait sur un horizon immense de chefs-d’œuvre et s’étendait à l’infini.

Si l’inspiration se pliait parfois aux exigences d’un plan arrêté, si elle s’orientait vers un but déterminé, si elle visait un sujet ou s’enfermait dans un cadre limité, le plus souvent, sous l’impulsion de sa prodigieuse puissance et de son étonnante fécondité, elle ne tardait pas à s’affranchir de tous les liens, à faire éclater tous les cadres, à poursuivre, comme une intrépide voyageuse, sa course échevelée à travers l’espace, explorant toutes les régions, atteignant tous les sommets. Une si belle hardiesse, une si vigoureuse fertilité devaient réserver des surprises ; les gerbes se multipliaient, grossissaient ; à peine étaient-elles nouées que la moisson était trop abondante pour être contenue dans les greniers, même très vastes, soigneusement préparés. Et suivant que le poète se consacrait à la satire, à l’ode, à l’épopée, sa verve était si bouillonnante, si impétueuse, si tumultueuse qu’elle semait sur sa route des poésies aux quatre vents de l’esprit.

Victor Hugo y mettait toute son âme, nous devrions dire toute l’âme, car il a laissé la note suivante qui marque en réalité l’origine des Quatre vents de l’Esprit :

TOUTE L’ÂME[1].

Ce recueil, Toute l’âme, sera une sorte de répertoire de toute la poésie, de celle du moins qui est en moi. Il aura un nombre indéterminé de volumes. Tout y sera, depuis le distique, jusqu’à l’épopée. Je l’achèverai, si Dieu le veut. Sinon, mes fils le publieront.

Il sera divisé en sections portant des titres distincts. Il pourra avoir une division spéciale intitulée : Choses de mon ancienne manière. (Je

  1. Cette note portait primitivement le titre de Toute la lyre qui a été biffé et remplacé par celui de Toute l’âme.