Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enseigne l’être, et l’onde, et la sève, et le fleuve,
Qui lui demandent leur chemin.

L’homme, quand il commande aux flots de le connaître,
Aux mers de l’écouter dans le bruit qu’elles font,
À la terre d’ouvrir son flanc, aux temps de naître,
Est un mage immense et profond.

Ayons foi dans ce germe ! Amis, il nous ressemble.
Il sera grand et fort, puisqu’il est faible et nu.
Nous sommes ses pareils, bannis, nous en qui tremble
Tout un vaste monde inconnu !

Nous fûmes secoués d’un arbre formidable,
Un soir d’hiver, à l’heure où le monde est puni,
Nous fûmes secoués, frères, dans l’insondable,
Dans l’ouragan, dans l’infini.

Chacun de nous contient le chêne République ;
Chacun de nous contient le chêne Vérité ;
L’oreille qui, pieuse, à nos malheurs s’applique,
T’entend sourdre en nous, Liberté !

Tu nous jettes au vent, Dieu qui par nous commences !
C’est bien. Nous disperser, ô Dieu, c’est nous bénir !
Nous sommes la poignée obscure des semences
Du sombre champ de l’avenir.

Et nous y germerons, n’en doutez pas, mes frères,
Comme en ce sable, au bord des flots prompts à s’enfler,
Croîtra, parmi les flux et les reflux contraires,
Ce gland, sur qui Dieu va souffler !

II

Ô nature, il s’agit de faire un arbre énorme,
Mouvant comme aujourd’hui, puissant comme demain,