Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce front rose qui semble un lever de lumière,
Tout cela n’est pas fait pour garder la maison.
Je crois en vous voyant voir l’aurore en prison.
Oui, vous êtes l’aurore, et vous êtes esclave
Dans la nuit ! Au cachot, seule au fond d’une cave,
Chez ce bonhomme affreux qu’on appelle l’hiver.
La beauté c’est le fruit, l’indigence est le ver.

Regardant la masure.

Burg sinistre ! Où donc est ton échelle, ô Latude !

À Nella.

— Tel que vous me voyez, j’aime la solitude,
À la condition de ne pas être seul. —
Croupir ! devenir laide ! autant vaut le linceul.
Viviane se change en Toinon dans ces bouges.
La taille s’épaissit, les bras deviennent rouges.
Guerre à cet oppresseur infâme, le corset !
Je viens vous annoncer une nouvelle, c’est
Qu’il existe des lieux charmants ; c’est que Versailles,
Potsdam, Schoenbrunn, ont mis l’Olympe en leurs broussailles ;
C’est qu’il est des palais ; c’est qu’il est des bosquets ;
C’est qu’au seuil d’une idylle il faut de grands laquais ;
C’est que le buisson, l’herbe, et la bruyère, et l’arbre,
Ne sont beaux que mêlés à des nymphes de marbre ;
C’est qu’un torrent est laid, et qu’au fond du vallon
L’eau doit se comporter comme dans un salon ;
C’est qu’Homère et Milton ne sont que des maroufles
Faits pour passer le temps à chanter vos pantoufles ;
C’est qu’il est un devoir, l’oisiveté, pour ceux
Qu’enivre la langueur des appas paresseux ;
C’est que les beaux habits sont beaux ; c’est que les femmes
Doivent être de poupre et d’or, comme les flammes,
Car toutes ont pour loi de brûler à leur tour
Dans l’immense incendie universel, l’amour !
Je viens vous annoncer que vous êtes déesse ;
Que la beauté, cet astre, a pour ciel la richesse,
Et que sur cette terre, ancien fief de Vénus,
Où, pour voir deux beaux yeux et baiser deux pieds nus,