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VI

TALION.


Quoi ! parce que Vinoy, parce que Billioray
Sont dans le faux, il sied que tout soit hors du vrai !
Il faut tuer Duval puisqu'on tua Lecomte !
A ce raisonnement vous trouvez votre compte,
Et cet autre argument vous parait sans rival :
Il faut tuer Bonjean puisqu'on tua Duval !
On méprisait l'affreux talion ; on l'estime.
Vil chez Moise, il est chez Rigault légitime.
On voue au meurtre un culte ; on laisse de côté
Ce qu'on glorifiait si haut, loi, liberté ;
On prêche un nouveau dogme, on se fait néophyte
De tous les attentats hideux dont on profite.
Talion ! pour le peuple ici, là pour le roi.
Vous arrêtez Chaudey, j'emprisonne Lockroy.
Ah ! vous êtes inepte, eh bien, je suis stupide.
Ah ! vous niez le droit, eh bien, je le lapide !

Quoi ! parce que Ferré, parce que Galifet
Versent le sang, je dois, moi, commettre un forfait !
On brûle un pont, je brûle une bibliothèque.
On tue un colonel, je tue un archevêque ;
On tue un archevêque, eh bien, moi, je tuerai
N'importe qui, le plus de gens que je pourrai.
Quoi ! parce qu'un gredin fait fusiller un homme,
J'en fais arquebuser trois cents, et ce qu'on nomme
Meurtre chez lui sera bonne action chez moi !
Dent pour dent. Par l'horreur je réplique à l'effroi.
Vous frappez la patrie, eh bien, moi, je l'achève !
Ah ! vous lui faites, vous, l'effet d'un mauvais rêve,