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NOTES DE L’ÉDITEUR.

Les lecteurs trouveront à la fin du volume l'historique commun aux quatre recueils : LE PAPE. — LA PITIÉ SUPRÊME — RELIGIONS ET RELIGION. — L'ANE.



I
REVUE DE LA CRITIQUE.


C’est dans une atmosphère de lutte religieuse que parut le Pape. Léon XIII , succédant à Pie IX, venait d’adresser son encyclique au monde catholique ; les démocrates organisaient le centenaire de Voltaire les cléricaux préparaient la fête de Jeanne d’Arc. On ne s’étonnera donc pas que la presse réactionnaire ait accueilli sans bienveillance une œuvre aussi sévère pour l’Église quoique profondément chrétienne ; mais les critiques les plus acharnés font presque tous l’éloge de la forme magnifique que le poète a donnée à sa pensée.

Exceptons toutefois de cette indulgence les articles de Barbey d’Aurevilly ; il trouve ce poème tellement plat, inepte et vulgaire qu’il ne sait «de quel nom nommer ces petites choses-là». Aussi avons-nous fait à Barbey d’Aurevilly une large place dans cette critique afin qu’on ne nous accusât pas de cacher les injures.

Le poème arrivait à son heure ; cependant, loin d’être inspiré par l’actualité, il était l’épanouissement d’une idée déjà développée dans les Misérables. Il est curieux de constater que, dans ce Pape idéal, seul Théodore de Banville a reconnu l’évêque de Digne.


Le Gaulois.

FOURCAUD.

Ce poème est vaste et magnifique. Magnifique d’exécution, vaste de sentiment. Je le dis tout de suite, sachant bien que je m’expose au blâme des catholiques : — Comment ! vous osez louer un livre de Victor Hugo consacré à faire la leçon au pape ? — Je l’ose, en effet ; car ce sont choses distinctes que l’art et les croyances, et le propre d’un esprit de quelque force est de savoir admirer partout ce qui est admirable.

. . . Le Pape qu’il veut est un doux vieillard humble et saint, selon le cœur du Christ. Malheureusement, pour le faire plus vénérable, il le désarme de sa royauté ; il ne lui laisse pour moyens d’action que son zèle apostolique et la majesté de ses cheveux blancs. La figure est poétiquement sublime ; mais la question de la papauté n’est rien moins que vidée.

Ce n’est pas le Vatican qui a créé la situation politique ; ce n’est pas le Vatican qui a déchaîne les partis les uns contre les autres. Le Pontife Souverain prononce des paroles d’apaisement qui se perdent le plus souvent dans les clameurs des luttes ; il n’a pas le droit de livrer la catholicité aux hasards du sentimentalisme. Victor Hugo s’élève d’un essor aux régions pures du symbole ; nous nous confinons, nous autres, au domaine de la réalité. L’œuvre nous émeut par sa sérénité