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LE PAPE.

Chez les peuples un pauvre et chez les rois un prêtre,
Compagnon des douleurs, des exils, des grabats,
Je viens près de celui qui fit voir ici-bas
Toute la quantité de Dieu qui tient dans l’homme ;
Je prends Jérusalem et je vous laisse Rome,
Jérusalem étant le véritable lieu.
Hommes, je viens me mettre en prière chez Dieu.
Je ne me sens réel que sur ce mont sévère ;
L’ombre est au Capitole et l’âme est au Calvaire ;
Là-haut l’ange et le saint trouvent que j’ai raison,
Quittant César pour Christ, de changer de maison,
Et je monte, appuyé sur l’aigle et la colombe,
De ce bas-fond, le trône, à ce sommet, la tombe.
Je me fais serviteur du sépulcre, sentant
Près de moi le grand cœur de Jésus palpitant.
Ô rois, je hais la pourpre et j’aime le suaire ;
Et j’habite la vie, ô rois ! vous l’ossuaire.
Car la toute-puissance est un squelette noir.
L’homme tend une main au mal, l’autre à l’espoir ;
Tantôt il court, tantôt il trébuche, et je mène
Et j’éclaire quiconque aide la marche humaine.
Allons en avant. L’ombre est morte ; et déjà tous
Nous sentons la chaleur d’un avenir plus doux.
Nous nous sommes trouvés ; longtemps nous nous cherchâmes.
J’ai marché dans la vaste obscurité des âmes ;
Je vous ai dit : Je suis le jour. Pour vous je nais.
Et vous êtes venus, voyant que je venais.
Ô vivants, ouvriers de l’œuvre universelle,
Travaillez ; que l’enclume éternelle étincelle ;
Soyez purs, soyez doux, soyez frais, soyez bons.
Tous sur le grand travail sacré nous nous courbons.
Nous prêtres, nous prions. Puisse notre prière,
Sortie amour de nous, entrer en vous lumière !
Peuple, aimez. On devient lumineux en aimant.
Ce serait être injuste envers le firmament
Que de répondre aux feux d’en haut par nos ténèbres.
Que, l’azur étant pur, les âmes soient funèbres,