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MALÉDICTION ET BÉNEDICTION


Les malédictions sont sur les multitudes,
Les tonnerres profonds hantent les solitudes,
Rien n’est laissé tranquille en ce sombre univers.
Les prêtres sont pareils à des gouffres ouverts ;
Qui regarde dedans voit des choses affreuses.

Si tu planes, tout fuit ; tout croule, si tu creuses.
Ô morne angoisse !

Ô morne angoisse ! Hélas ! l’anxiété partout.
Que de rêves tombés ! Que de spectres debout !
L’homme, en proie à la nuit dont le prêtre est complice,
Peut-être a devant lui l’échelle d’un supplice
Quand, sentant des degrés dans l’ombre, il dit : Montons.
Le genre humain ignore, erre, marche à tâtons,
Souffre, et ne voit, s’il cherche une lueur propice,
Qu’un flamboiement farouche au fond d’un précipice.
Tout est-il donc fatal ? Rien n’est-il donc clément ?
La vie est une dette et la mort un paiement ;
Satan règne ; le mal fait loi ; l’enfer, c’est l’ordre.

Et j’entendais gémir et je voyais se tordre,
Dans la brume que nul n’explore et ne connaît,
Les tristes nations sur qui tout s’acharnait,
Prêtres, juges, bourreaux, scribes, princes, ministres ;
Les innombrables flots ne sont pas plus sinistres ;
Le tragique Océan n’est pas plus torturé
Par les souffles confus du vent démesuré.