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LE SYNODE D’ORIENT.

Toujours songer, pleurant sur le mal châtié,
Au moyen de changer la lumière en pitié ;
Quoi ! parce que ces rois, quoi ! parce que ces ombres,
Parce que ces faiseurs de cendre et de décombres
Sont venus à sa porte, et durs, fiers, belliqueux,
Ont dit : sois avec nous ! — cet homme est avec eux !
Quoi ! cet homme, le monde étant dans les ténèbres,
Offrait dans son bazar aux acheteurs funèbres,
Ô terreur ! le rayon qui blanchissait le ciel !
Lui l’éclaireur suprême et providentiel,
IL bénissait l’affreuse éruption des laves !
Cet homme s’était fait marchand de ces esclaves,
La vérité, l’honneur, la justice et la loi,
Prenait le droit au peuple et le donnait au roi ;
Priait pour ce qui tue et contre ce qui tombe !
Cet homme a fait lancer la foudre à la colombe !
Il a fait de Jésus le valet d’Attila !
Quoi ! l’on eût dit de moi : Regardez, le voilà !
Il avait en dépôt notre âme, il l’a perdue.
L’aurore se levait, cet homme l’a vendue !
Il a prostitué l’étoile du matin !
Non ! non !

LE PATRIARCHE

Non ! non ! Vous blasphémez, pape !

LE PAPE

Non ! non ! Vous blasphémez, pape ! Prêtre hautain,
Sois humble ! Autel doré, dédore-toi, rayonne !
Plaie au flanc du Christ, bouche auguste qu’on bâillonne
Ouvre tes lèvres, parle, et dis la vérité !
Rentre en ton patrimoine, homme déshérité.
Femmes, enfants, ayez des droits. Peuple, aie une âme.
À moi, prêtres ! Prêchez le vrai que je proclame ;
Soyez simples de cœur. Soyez, sous le ciel bleu,
Près des petits enfants pour être près de Dieu.