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LE PAPE.

Prêtre, j’ai le roseau de Jésus à la main ;
Roi, je n’ai plus qu’un sceptre ; et pour le genre humain
Je ne suis plus qu’un prince obéissant aux princes,
Concédant, consentant, tremblant pour mes provinces,
Courtisan du plus fort, à céder toujours prêt ;
Jamais la royauté du prêtre n’apparaît
Sans une transparence affreuse d’esclavage.
Je ne fais point partie, ô prêtres, du ravage,
Du supplice et du meurtre, et ne veux point m’asseoir
Parmi ces rois sur qui tombe l’éternel soir.
J’aime ! je sens en moi la grande clarté vivre.

LES ÉVÊQUES

Guide-nous, mais suis-nous. Pour guider, il faut suivre.

LE PAPE

Jamais. Je suis sorti, plein d’horreur et d’effroi,
De toute votre nuit ! Quoi ! l’on eût dit de moi :
Terre, cet homme avait la garde d’une idée,
La plus haute que l’ombre ait jamais possédée,
Clarté sainte au-dessus du gouffre obscur des cœurs ;
En dépit des vents noirs rapidement vainqueurs
Et vite évanouis, cet homme était le mage
Mystérieux, chargé du mutuel hommage
Que se doivent les cieux et les âmes, rapport
Et lien entre un mât frissonnant et le port,
Échange de lueur entre l’abîme et l’homme.
Quoi ! parce que de vains simulacres qu’on nomme
Princes, maîtres, seigneurs, chefs, souverains, césars,
Parce que de faux dieux, composés de hasards,
Ou du hasard de vaincre ou du hasard de naître,
Parce que des puissants que le néant pénètre
Sont venus le trouver, lui le veilleur qui n’a
Ici-bas d’autre droit que de dire Hosanna
Et de montrer du doigt là-haut l’âme éternelle,
Lui qui doit, fils de l’aube, ému, vivant en elle,