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COLÈRE DE LA BÊTE.

VI

CONDUITE DE L’HOMME VIS-À-VIS DES GÉNIES.


C’est en dehors des lois que vous faites, pédants,
Que plane l’harmonie aux grands hymnes grondants,
Et le papier réglé par une main classique
Est du papier réglé, mais n’est pas la musique.

Qu’on doit fourrer, vivants, les aigles, les griffons,
En cage dans les trous de vos dogmes profonds,
Que l’essor du penseur se mesure à vos mètres,
Qu’il doit vous consulter, vous les bedeaux des lettres,
Vous les abbés du goût, hurlant à l’unisson :
Nous sommes le savoir, nous sommes la raison !
Que vous avez, vous seuls, ces dons sacrés sur terre,
Et que chacun de vous en est propriétaire ;
Que l’académie est, que la sorbonne vit ;
Que l’antique sentier qu’à la file on suivit
Est la route sacrée, et qu’il faut faire en sorte
Qu’on n’y coure jamais, que jamais on n’en sorte ;
Qu’on forge et qu’on bat le fer d’autant mieux qu’il est froid ;
Que votre cloître est saint ; que vous avez le droit
De mettre le génie et l’âme en retenue,
Que le cygne, nageant candide sous la nue,
Doit se faire montrer le blanc par un corbeau ;
Que j’en saurai plus long, que je serai plus beau,
Moi l’âne, quand un gueux, flanqué d’une ou deux vieilles,
M’aura coupé la queue et rogné les oreilles,
Ah ! pardieu, vous allez me faire accroire ça !

L’âne a du sens, ayant porté Sancho Pança.