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L’ÂNE.

IV

LA NUIT AUTOUR DE L’HOMME.


J’ai des objections à l’homme, tu le vois.
Qu’il existe une loi, mêlée aux vagues lois
Que nous entrevoyons par nos pâles fenêtres,
Qui, dans l’échelle obscure et tremblante des êtres,
Place au-dessus de nous ce pleureur, ce rieur,
Qui fasse l’âne aux fils d’Adam inférieur,
Qui mette moins de verbe en plus de bouche, et rende
L’entendement plus court dans l’oreille plus grande,
C’est possible ; après tout, ça regarde l’auteur ;
Que l’homme ait ou n’ait pas le droit sur sa hauteur
D’être traité par nous d’une façon civile,
Et d’être salué roi par la longue file
D’animaux que Noé dans son arche classait,
Par le lion ayant dans sa griffe un placet,
Par le corbeau tenant dans son bec un hommage ;
Qu’il dise : — Dieu n’a fait qu’Adam à son image ; —
Peu m’importe ; je parle à cette majesté
Crûment, je ne suis pas de bassesse frotté,
Je suis franc ; ma parole est âpre, mais certaine,
Car je préfère, étant frère de La Fontaine,
Et quelque peu cousin d’Agrippa d’Aubigné,
Le réel, même rude, au faux, même peigné,
Les toisons de la brute aux perruques de l’homme ;
Je ne fais pas ma cour, Kant, je suis économe
D’admirer sottement et lâchement le roi,
Et je trouve en Dangeau plus d’âne que dans moi.

Si l’homme est majesté, cette majesté boite.
Quand la mort a serré ce pantin dans sa boîte,
En sort-il un esprit qui s’envole ? Psyché