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LE SYNODE D’ORIENT.

Tandis qu’il met au monde énorme un tel ciment
Que rien ne s’est défait dans le bleu firmament
Le jour où dans le ciel que d’autres cieux pondèrent,
Les formidables vents démuselés grondèrent ;
Tandis qu’il fait rôder plus d’astres dans les cieux,
Plus d’éclairs, plus de voix, plus de bruits, plus de feux,
Plus de prodiges, noirs ou sereins, sur les grèves,
Sur les monts, dans les bois, que l’homme n’a de rêves ;
Tandis qu’il est. cet être inconcevable-là.
Nous prêtres, nous vieillards, drapés d’un falbala,
Plus chargés de bijoux que des filles publiques,
Tournant vers les faux biens nos extases obliques,
Tandis que lui, celui qui ne prend ni ne vend,
Lui le sombre Seigneur de la foudre, est vivant,
Nous, sous quelque portail d’église ou d’abbaye,
Nous offrons et montrons à la foule ébahie,
Sous la pourpre d’un dais et les plis d’un camail,
Un petit bon Dieu rose avec des yeux d’émail !
Un Jésus de carton ! un Éternel de cire !
On le promène, on chante, on prêche, on le fait luire,
En marchant doucement.de crainte qu’un cahot,
En secouant l’autel, ne casse le Très-Haut !
Chaque temple a son saint qu’il rente et divinise.
Tandis que le monceau des hommes agonise
Et que la haine couve en d’âpres, cœurs grondants,
Tandis que la famine aux effroyables dents
Dévore l’atelier, le grenier, la chaumière,
Nous étalons, avec des effets de lumière,
Des bonshommes de bois au fond d’un corridor,
Brodés d’or, cousus d’or, chaussés d’or, coiffes d’or ;
Nous avons des saints-Jeans et des saintes-Maries
Que nous emmaillotons dans des verroteries !
Nous dépensons Golconde à vêtir le néant.
Et, pendant ce temps-là, le vice est un géant.
Et le lupanar s’ouvre, affreux bagne des vierges !
Et je vous le répète, allumez tous vos cierges,
Faites le tour du temple en file, deux à deux,