Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
RELIGIONS ET RELIGION.

Un cours de faculté suivi de point en point.
La lumière dévore et le collège broute ;
L’enseignement d’en haut ne suit pas l’humble route
Par où passe en boitant l’enseignement d’en bas ;
Le mystère a ses lois, la Sorbonne a ses bâts ;
La science de l’Être, âpre, escarpée, ardue,
Aire idéale où fuit la pensée éperdue,
L’algèbre du grand Tout, le problème absolu,
Noir livre de la nuit où le rêve a seul lu,
Je ne te cache pas qu’il se peut qu’on l’apprenne
Dans la profondeur bleue, ineffable et sereine,
Ou dans la pâle horreur des brouillards infernaux,
Autrement qu’à Bologne au collège Albornoz.
Vois ! c’est l’empyrée ; aube, éther, sans bords, sans voiles,
Avec sa plénitude effroyable d’étoiles,
Étalant ses azurs au bleu jamais terni,
Espèces de cristaux vagues de l’infini.
Qu’est-ce que tu vas faire en ce cosmos sans terme,
Plus terrible s’il s’ouvre encor que s’il se ferme ?
Comment ton frêle esprit se comportera-t-il
Dans ce sombre océan du grand et du subtil ?
À qui parleras-tu dans ce milieu tragique ?
Tout ton savoir humain, ta raison, ta logique,
Ne vont-ils pas se rompre en angles plus confus
Que les coudes du chêne au fond des bois touffus ?
Dis, que vont devenir, homme, tes syllogismes
Quand ils rencontreront l’énormité des prismes ?
Pourras-tu supporter l’immense brisement
De l’idéal, du vrai, du jour, du firmament ?

Savoir fut de tout temps la démence des sages.
Osiris consultait l’abîme ; des visages
Y viennent effarer les prophètes vaincus ;
Mars inspirait Solon et Pallas Zaleucus ;
Numa cherchait la nymphe en sa grotte enchantée ;
Minos questionnait Zéus sur le Dictée ;
Lycurgue allait à Delphe écouter Apollon.