Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
LA PITIÉ SUPRÊME.

II

Regardez cet enfant de cinq ans ; la feuillée
N’a pas d’oiseau plus pur, plus frais, plus ébloui ;
La bénédiction semble sortir de lui ;
Tout en lui dit : — Vivez ! aimez-moi ! je vous aime. —
Il est fait de candeur et de grâce suprême ;
Quoiqu’il ignore tout, il a l’air d’un flambeau ;
Trait d’union de l’aube à l’ombre, il est si beau
Et si doux qu’on dirait que l’église et la fable
Ont dû, pour composer cette tête ineffable,
Mêler l’enfant Jésus et l’enfant Cupidon ;
Son regard ingénu fait l’effet d’un pardon ;
Et l’homme le plus dur lui-même est sans défense
Devant cette adorable et radieuse enfance ;
Il est colombe, il est agneau ; ses cheveux d’or
Rayonnent ; il caresse et chante ; il est encor
Tout plein de la bonté divine ; il en arrive,
C’est le nouveau venu de la céleste rive ;
On dirait un petit archange éblouissant ;
Il monte sur un trône ; oh non ! il y descend ;
Pourtant on sent en lui la pauvre âme asservie,
La faiblesse profonde et sombre de la vie ;
Si beau qu’il soit, c’est l’homme avec son frêle esprit ;
C’est de l’infirmité charmante qui sourit ;
Notre fragilité redoutable et frivole
Se mêle, ombre terrestre, à sa blanche auréole ;
Son pas tremble, et son front ploie ainsi qu’un roseau ;
Mais il n’en est pas moins l’innocent du berceau,
Et dans ses beaux yeux clairs où l’amour semble éclore
Il a du paradis toute l’immense aurore.

À présent regardez cet homme, Villerov ;
Il vient, l’ange le voit approcher sans effroi,