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Nue avec majesté comme Adam devant Dieu ! Il faut que, Vénus chaste, elle sorte de l’onde, Semant au loin la vie et l’amour sur le monde, Et faisant autour d’elle, en son superbe essor, Partout où s’éparpille et tombe en gouttes d’or, L’eau de ses longs cheveux, humide et sacré voile, De toute herbe une fleur, de tout œil une étoile ! Il faut, si l’art chrétien anime le sculpteur, Qu’avec le même charme elle ait plus de hauteur ; Qu’âme ailée, elle rie et de Satan se joue ; Que, martyre, elle chante à côté de la roue ; Ou que, Vierge divine, astre du gouffre amer, Son regard soit si doux qu’il apaise la mer !


II

Voilà ce que tu sais, ô noble statuaire ! Toi qui dans l’art profond, comme en un sanctuaire, Entras bien jeune encor pour n’en sortir jamais ! Esprit, qui, te posant sur les plus purs sommets, Pour créer ta grande œuvre, où sont tant d’harmonies, Pris de la flamme au front de tous les fiers génies ! Voilà ce que tu sais, toi qui sens, toi qui vois ! Maître sévère et doux qu’éclairent à la fois, Comme un double rayon qui jette un jour étrange, Le jeune Raphaël et le vieux Michel-Ange ! Et tu sais bien aussi quel souffle inspirateur Parfois, comme un vent sombre, emporte le sculpteur, Âme dans Isaïe et Phidias trempée, De l’ode étroite et haute à l’immense épopée !


III

Les grands hommes, héros ou penseurs, — demi-dieux ! Tour à tour sur le peuple ont passé radieux,