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La lyre à réveiller ; la scène à rajeunir ;
Napoléon, ce dieu dont tu seras le prêtre ;
Les grands hommes, mépris du temps qui les voit naître,
Religion de l’avenir !


II



Allez donc ! ennemis de son nom ! foule vaine !
Autour de son génie épuisez votre haleine !
Recommencez toujours ! ni trêve, ni remord.
Allez, recommencez, veillez, et sans relâche
Roulez votre rocher, refaites votre tâche,
Envieux ! — Lui poëte, il chante, il rêve, il dort.

Votre voix, qui s’aiguise et vibre comme un glaive,
N’est qu’une voix de plus dans le bruit qu’il soulève.
La gloire est un concert de mille échos épars,
Chœurs de démons, accords divins, chants angéliques,
Pareil au bruit que font dans les places publiques
Une multitude de chars.

Il ne vous connaît pas. — Il dit par intervalles
Qu’il faut aux jours d’été l’aigre cri des cigales,
L’épine à mainte fleur ; que c’est le sort commun ;
Que ce serait pitié d’écraser la cigale ;
Que le trop bien est mal ! que la rose au Bengale
Pour être sans épine est aussi sans parfum.

Et puis, qu’importe ! amis, ennemis, tout s’écoule.
C’est au même tombeau que va toute la foule.
Rien ne touche un esprit que Dieu même a saisi.
Trônes, sceptres, lauriers, temples, chars de victoire,
On ferait à des rois des couronnes de gloire
De tout ce qu’il dédaigne ici !