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PRÉFACE.

constamment leur esprit à l’univers, il laisserait rayonner, à travers toutes ses créations, poëmes ou drames, la splendeur de la création de Dieu. On entendrait les oiseaux chanter dans ses tragédies ; on verrait l’homme souffrir dans ses paysages. Rien de plus divers en apparence que ses poëmes, au fond rien de plus un et de plus cohérent. Son œuvre, prise dans sa synthèse, ressemblerait à la terre ; des productions de toute sorte, une seule idée première pour toutes les conceptions, des fleurs de toute espèce, une même sève pour toutes les racines.

Il aurait le culte de la conscience comme Juvénal, lequel sentait jour et nuit « un témoin en lui-même », nocte dieque suum gestare in pectore testem ; le culte de la pensée comme Dante, qui nomme les damnés « ceux qui ne pensent plus », le gente dolorose ch’anno perduto il ben del intelletto ; le culte de la nature comme saint-Augustin qui, sans crainte d’être déclaré panthéiste, appelle le ciel « une créature intelligente », Cælum cœli creatura est aliqua intellectualis.

Et ce que ferait ainsi, dans l’ensemble de son œuvre, avec tous ses drames, avec toutes ses poésies, avec toutes ses pensées amoncelées, ce poëte, ce philosophe, cet esprit, ce serait, disons-le ici, la grande épopée mystérieuse dont nous avons tous chacun un chant en nous-mêmes, dont Milton a écrit le prologue et Byron l’épilogue : le Poëme de l’Homme.

Cette vie imposante de l’artiste civilisateur, ce vaste travail de philosophie et d’harmonie, cet idéal du poëme et du poëte, tout penseur a le droit de se les proposer comme but, comme ambition, comme principe et comme fin. L’auteur l’a déjà dit ailleurs et plus d’une fois, il est un de ceux qui tentent, et qui tentent avec persévérance, conscience et loyauté. Rien de plus. Il ne laisse pas aller au hasard ce qu’on veut bien appeler son inspiration. Il se tourne constamment vers l’homme, vers la nature ou vers Dieu. À chaque ouvrage nouveau qu’il met au