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Un poëte a écrit le Paradis perdu ; un autre poète a écrit les Ténèbres.

Entre Eden et les Ténèbres il y a le monde ; entre le commencement et la fin il y a la vie ; entre le premier homme et le dernier homme il y a l’homme.

L’homme existe de deux façons : selon la société et selon la nature. Dieu met en lui la passion ; la société y met l’action ; la nature y met la rêverie.

De la passion combinée avec l’action, c’est-à-dire de la vie dans le présent et de l’histoire dans le passé, naît le drame. De la passion mêlée à la rêverie naît la poésie proprement dite.

Quand la peinture du passé descend jusqu’aux détails de la science, quand la peinture de la vie descend jusqu’aux finesses de l’analyse, le drame devient roman. Le roman n’est autre chose que le drame développé en dehors des proportions du théâtre, tantôt par la pensée, tantôt par le cœur.

Du reste, il y a du drame dans la poésie, et il y a de la poésie dans le drame. Le drame et la poésie se pénètrent comme toutes les facultés dans l’homme, comme tous les rayonnements dans l’univers. L’action a des moments de rêverie. Macbeth dit : Le martinet chante sur la tour. Le Cid dit : Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. Scapin dit : Le ciel s’est déguisé ce soir en