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VIII



Venez que je vous parle, ô jeune enchanteresse !
Dante vous eût faite ange et Virgile déesse.
Vous avez le front haut, le pied vif et charmant,
Une bouche qu’entr-ouvre un bel air d’enjouement,
Et vous pourriez porter, fière entre les plus fières,
La cuirasse d’azur des antiques guerrières.
Tout essaim de beautés, gynécée ou sérail,
Madame, admirerait vos lèvres de corail.
Cellini sourirait à votre grâce pure,
Et, dans un vase grec sculptant votre figure,
Il vous ferait sortir d’un beau calice d’or,
D’un lys qui devient femme en restant lys encor,
Ou d’un de ces lotus qui lui doivent la vie,
Etranges fleurs de l’art que la nature envie !

Venez que je vous parle, ô belle aux yeux divins !
Pour la première fois quand près de vous je vins,
Ce fut un jour doré. Ce souvenir, madame,
A-t-il comme en mon cœur son rayon dans votre âme ?
Vous souriez. Mettez votre main dans ma main,
Venez. Le printemps rit, l’ombre est sur le chemin,
L’air est tiède, et là-bas, dans les forêts prochaines,
La mousse épaisse et verte abonde au pied des chênes.

21 avril 1837