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» Hélas ! ni l’amitié qui nous serre la main,
» Ni l’amour qui la presse,

» Seigneur, autour de moi rien n’est resté debout !
» Je pleure et je végète,
» Oubliée au milieu des ruines de tout,
» Comme ce qu’on rejette !

» Pourtant je n’ai rien fait à ce monde d’airain,
» Vous le savez vous-même.
» Toutes mes actions passent le front serein
» Devant votre œil suprême.

» Jusqu’à ce que le pauvre en ait pris la moitié,
» Tout ce que j’ai me pèse.
» Personne ne me plaint. Moi, de tous j’ai pitié.
» Moi, je souffre et j’apaise !

» Jamais de votre haine ou de votre faveur
» Je n’ai dit : Que m’importe !
» J’ai toujours au passant que je voyais rêveur
» Enseigné votre porte.

» Vous le savez. — Pourtant mes pleurs que vous voyez,
» Seigneur, qui les essuie ?
» Tout se rompt sous ma main, tout tremble sous mes pieds,
» Tout coule où je m’appuie.

» Ma vie est sans bonheur, mon berceau fut sans jeux.
» Cette loi, c’est la vôtre !
» Tous les rayons de jour de mon ciel orageux
» S’en vont l’un après l’autre.

» Je n’ai plus même, hélas ! le flux et le reflux
» Des clartés et des ombres.
» Mon esprit chaque jour descend de plus en plus
» Parmi les rêves sombres.