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L’autel enveloppé d’encens et de fidèles ;
Les mères retenant les enfants auprès d’elles
La nuit qui chaque soir fait taire l’univers
Et ne laisse ici-bas la parole qu’aux mers ;
Les couchants flamboyants ; les aubes étoilées ;
Les heures de soleil et de lune mêlées ;
Et les monts et les flots proclamant à la fois
Ce grand nom qu’on retrouve au fond de toute voix ;
Et l’hymne inexpliqué qui, parmi des bruits d’ailes,
Va de l’aire de l’aigle au nid des hirondelles 11,
Et ce cercle dont l’homme a sitôt fait le tour,
L’innocence, la foi, la prière et l’amour !
Et l’éternel reflet de lumière et de flamme
Que l’âme verse au monde et que Dieu verse à l’âme !


                         IV

Oh 1 c’est alors qu’émus et troublés par ces chants,
Le peuple dans la ville et l’homme dans les champs,
Et le sage attentif aux voix intérieures,
A qui l’éternité fait oublier les heures,
S’inclinent en silence ; et que l’enfant joyeux
Court auprès de sa mère et lui montre les cieux ;
C’est alors que chacun sent un baume qui coule
Sur tous ses maux cachés ; c’est alors que la foule
Et le cœur isolé qui souffre obscurément
Boivent au même vase un même enivrement ;
Et que la vierge, assise au rebord des fontaines,
Suspend sa rêverie à ses 79 rumeurs lointaines ;
C’est alors que les bons, les faibles, les méchants,
Tous à la fois, la veuve en larmes, les marchands
Dont l’échoppe a poussé sous le sacré portique
Comme un champignon vil au pied d’un chêne antique,
Et le croyant soumis, prosterné sous la tour,
Écoutent, effrayés et ravis tour à tour,
Comme