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La porte qui fait dire au pauvre : C’est ici !
La main toujours tendue au bord de cet abîme
Où tombe le malheur, d’où remonte le crime !
La clef sainte, qu’on trouve au besoin sans flambeau,
Qui rouvre l’espérance et ferme le tombeau !

Soyez l’abri, le toit, le port, l’appui, l’asile !
Faites au prisonnier qu’on frappe et qu’on exile,
A cette jeune fille, hélas, vaincue enfin,
Que marchandent dans l’ombre et le froid et la faim,
Au vieillard qui des jours vide la lie amère,
Aux enfants grelottants qui n’ont ni pain ni mère,
Faites aux malheureux, sans cesse, nuit et jour,
Verser sur vos deux mains bien des larmes d’amour !
Car Dieu fait quelquefois sous ces saintes rosées
Regermer des fleurons aux couronnes rasées.

Comme la nue altière, en son sublime essor,
Se laisse dérober son fluide trésor
Par ces flèches de fer au ciel toujours dressées,
Heureux le prince, empli de pieuses pensées,
Qui sent, du haut des cieux sombres et flamboyants,
Tout son or s’en aller aux mains des suppliants !

Décembre 1834.