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Ni le pacha du Caire et ses chevaux numides
Qui mordaient le vôtre au poitrail ;

Ce n’était pas le bruit de bombe et de mitraille
Que vingt ans, sous ses pieds, avait fait la bataille
Déchaînée en noirs tourbillons,
Quand son souffle poussait sur cette mer troublée
Les drapeaux frissonnants, penchés dans la mêlée
Comme les mâts des bataillons ;

Ce n’était pas Madrid, le Kremlin et la Phare,
La diane au matin fredonnant sa fanfare,
Le bivouac sommeillant dans les feux étoilés,
Les dragons chevelus, les grenadiers épiques,
Et les rouges lanciers fourmillant dans les piques,
Comme des fleurs de pourpre en l’épaisseur des blés ;

Non, ce qui l’occupait, c’est l’ombre blonde et rose
D’un bel enfant qui dort la bouche demi-close,
Gracieux comme l’orient,
Tandis qu’avec amour sa nourrice enchantée
D’une goutte de lait au bout du sein restée
Agace sa lèvre en riant.

Le père alors posait ses coudes sur sa chaise,
Son cœur plein de sanglots se dégonflait à l’aise,
Il pleurait, d’amour éperdu… —
Sois béni, pauvre enfant, tête aujourd’hui glacée,
Seul être qui pouvais distraire sa pensée
Du trône du monde perdu !


V

Tous deux sont morts. — Seigneur, votre droite est terrible !
Vous avez commencé par le maître invincible,