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Son Louvre de granit,
Et les Parisiens poussaient des cris de joie,
Comme font les aiglons, alors qu’avec sa proie
L’aigle rentre à son nid !

Et lui, poussant du pied tout ce métal sonore,
Il courait à la cuve où bouillonnait encore
Le monument promis.
Le moule en était fait d’une de ses pensées.
Dans la fournaise ardente il jetait à brassées
Les canons ennemis !

Puis il s’en revenait gagner quelque bataille.
Il dépouillait encore à travers la mitraille
Maints affûts dispersés ;
Et, rapportant ce bronze à la Rome française,
Il disait aux fondeurs penchés sur la fournaise :
— En avez-vous assez ?

C’était son œuvre à lui ! — Les feux du polygone,
Et la bombe, et le sabre, et l’or de la dragonne
Furent ses premiers jeux.
Général, pour hochets il prit les Pyramides ;
Empereur, il voulut, dans ses vœux moins timides
Quelque chose de mieux.

Il fit cette colonne ! — Avec sa main romaine
Il tordit et mêla dans l’œuvre surhumaine
Tout un siècle fameux,
Les Alpes se courbant sous sa marche tonnante,
Le Nil, le Rhin, le Tibre, Austerlitz rayonnante,
Eylau froid et brumeux.

Car c’est lui qui, pareil à l’antique Encelade,
Du trône universel essaya l’escalade,
Qui vingt ans entassa,
Remuant terre et cieux avec une parole,