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Laissons à la ville frappée
Les cicatrices du combat !
Adoptons héros et victimes.
Emplissons de ces morts sublimes
Les sépulcres du Panthéon.
Que nul souvenir ne nous pèse ;
Rendons sa tombe à Louis seize,
Sa colonne à Napoléon !


V


Oh ! laissez-moi pleurer sur cette race morte
Que rapporta l’exil et que l’exil remporte,
Vent fatal qui trois fois déjà les enleva !
Reconduisons au moins ces vieux rois de nos pères.
Rends, drapeau de Fleurus, les honneurs militaires
A l’oriflamme qui s’en va !

Je ne leur dirai point de mot qui les déchire.
Qu’ils ne se plaignent pas des adieux de la lyre !
Pas d’outrage au vieillard qui s’exile à pas lents !
C’est une piété d’épargner les ruines.
Je n’enfoncerai pas la couronne d’épines
Que la main du malheur met sur des cheveux blancs !

D’ailleurs, infortunés ! ma voix achève à peine
L’hymne de leurs douleurs dont s’allonge la chaîne.
L’exil et les tombeaux dans mes chants sont bénis ;
Et, tandis que d’un règne on saluera l’aurore,
Ma poésie en deuil ira longtemps encore
De Sainte-Hélène à Saint-Denis !

Mais que la leçon reste, éternelle et fatale,
À ces nains, étrangers sur la terre natale,