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« Les insensés qui font ce rêve
N’ont-ils donc pas des yeux pour voir,
Depuis que leur pouvoir s’élève,
Comme notre horizon est noir !
N’ont-ils pas vu dans leur folie
Que déjà la coupe est remplie,
Qu’on les suit des yeux en rêvant,
Qu’un foudre lointain nous éclaire,
Et que le lion populaire
Regarde ses ongles souvent ! »


III


Alors tout se leva. — L’homme, l’enfant, la femme,
Quiconque avait un bras, quiconque avait une âme,
Tout vint, tout accourut. Et la ville à grand bruit
Sur les lourds bataillons se rua jour et nuit.
En vain boulets, obus, la balle et les mitrailles,
De la vieille cité déchiraient les entrailles ;
Pavés et pans de murs croulant sous mille efforts
Aux portes des maisons amoncelaient les morts ;
Les bouches des canons trouaient au loin la foule ;
Elle se refermait comme une mer qui roule,
Et de son râle affreux ameutant les faubourgs,
Le tocsin haletant bondissait dans les tours !


IV


Trois jours, trois nuits, dans la fournaise
Tout ce peuple en feu bouillonna.
Crevant l’écharpe béarnaise
Du fer de lance d’Iéna.
En vain dix légions nouvelles