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« C’est peut-être le soir qu’on prend pour une aurore !
Peut-être ce soleil vers qui l’homme est penché,
Ce soleil qu’on appelle à l’horizon qu’il dore,
Ce soleil qu’on espère est un soleil couché ! »





Seigneur ! est-ce vraiment l’aube qu’on voit éclore ?
Oh ! l’anxiété croît de moment en moment.
N’y voit-on déjà plus ? n’y voit-on pas encore ?
Est-ce la fin, Seigneur, ou le commencement ?

Dans l’âme et sur la terre effrayant crépuscule !
Les yeux pour qui fut fait, dans un autre univers,
Ce soleil inconnu qui vient ou qui recule,
Sont-ils déjà fermés ou pas encore ouverts ?

Ce tumulte confus, où nos esprits s’arrêtent,
Peut-être c’est le bruit, fourmillant en tout lieu,
Des ailes qui partout pour le départ s’apprêtent.
Peut-être en ce moment la terre dit : adieu !

Ce tumulte confus qui frappe notre oreille,
Parfois pur comme un souffle et charmant comme un luth,
Peut-être c’est le bruit d’un éden qui s’éveille.
Peut-être en ce moment la terre dit : salut !

Là-bas l’arbre frissonne. Est-ce allégresse ou plainte ?
Là-bas chante un oiseau. Pleure-t-il ? a-t-il ri ?
Là-bas l’océan parle. Est-ce joie ? est-ce crainte ?
Là-bas l’homme murmure. Est-ce un chant ? est-ce un cri ?

À si peu de clarté nulle âme n’est sereine.
Triste, assis sur le banc qui s’appuie à son mur,
Le vieux prêtre se courbe, et, n’y voyant qu’à peine,
À ce jour ténébreux épèle un livre obscur.