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Imbibe le cristal qui devient diamant,
Tantôt, dans quelque mine éblouissante et sombre,
Allume des monceaux d’escarboucles sans nombre,
Ou, s’échappant au jour, plus magnifique encor,
Au front du vieil Etna met une aigrette d’or.
Toujours l’intérieur de la terre travaille.
Son flanc universel incessamment tressaille.
Goutte à goutte, et sans bruit qui réponde à son bruit,
La source de tout fleuve y filtre dans la nuit.
Elle porte à la fois, sur sa face où nous sommes,
Les blés et les cités, les forêts et les hommes.
Vois, tout est vert au loin, tout rit, tout est vivant.
Elle livre le chêne et le brin d’herbe au vent.
Les fruits et les épis la couvrent à cette heure.
Eh bien ! déjà, tandis que ton regard l’effleure,
Dans son sein, que n’épuise aucun enfantement,
Les futures moissons tremblent confusément !

« Ainsi travaille, enfant, l’âme active et féconde
Du poëte qui crée et du soldat qui fonde.
Mais ils n’en font rien voir. De la flamme à pleins bords
Qui les brûle au dedans, rien ne luit au dehors.
Ainsi Napoléon, que l’éclat environne
Et qui fit tant de bruit en forgeant sa couronne,
Ce chef que tout célèbre et que pourtant tu vois
Immobile et muet, passer sur le pavois,
Quand le peuple l’étreint, sent en lui ses pensées,
Qui l’étreignent aussi, se mouvoir plus pressées.
Déjà peut-être en lui mille choses se font,
Et tout l’avenir germe en son cerveau profond.
Déjà dans sa pensée, immense et clairvoyante,
L’Europe ne fait plus qu’une France géante,
Berlin, Vienne, Madrid, Moscou, Londres, Milan,
Viennent rendre à Paris hommage une fois l’an,
Le Vatican n’est plus que le vassal du Louvre,
La terre à chaque instant sous les vieux trônes s’ouvre,
Et de tous leurs débris sort pour le genre humain