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Son œil s’égare et luit, sa chevelure traîne,
Sa tête pend ; son sang rougit la jaune arène,

Les buissons épineux ;

Sur ses membres gonflés la corde se replie,
Et comme un long serpent resserre et multiplie

Sa morsure et ses nœuds.


Le cheval, qui ne sent ni le mors ni la selle,
Toujours fuit, et toujours son sang coule et ruisselle,

Sa chair tombe en lambeaux ;

Hélas ! voici déjà qu’aux cavales ardentes
Qui le suivaient, dressant leurs crinières pendantes,

Succèdent les corbeaux !


Les corbeaux, le grand-duc à l’œil rond, qui s’effraie,
L’aigle effaré des champs de bataille, et l’orfraie,

Monstre au jour inconnu,

Les obliques hiboux, et le grand vautour fauve
Qui fouille au flanc des morts, où son col rouge et chauve

Plonge comme un bras nu !


Tous viennent élargir la funèbre volée ;
Tous quittent pour le suivre et l’yeuse isolée,

Et les nids du manoir.

Lui, sanglant, éperdu, sourd à leurs cris de joie,
Demande en les voyant : Qui donc là-haut déploie

Ce grand éventail noir ?


La nuit descend lugubre, et sans robe étoilée.
L’essaim s’acharne, et suit, tel qu’une meute ailée,

Le voyageur fumant.

Entre le ciel et lui, comme un tourbillon sombre,
Il les voit, puis les perd, et les entend dans l’ombre

Voler confusément.


Enfin, après trois jours d’une course insensée,
Après avoir franchi fleuves à l’eau glacée,