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peine commencé, ce songe heureux s’achève,
Entre nous d’un vain monde un préjugé s’élève :
Je croyais le monde meilleur.
Mon père ! oui, contre vous mon courroux se soulève :
Vous avez fait tout mon malheur.

Dès mon enfance, Emma, mon âme est asservie
À des vœux qu’il fit sans remord :
Un nœud saint m’enchaînait dès le seuil de la vie
Jusques aux portes de la mort.
Pour moi, j’ignorais tout ; moi, je t’aimais sans crainte ;
Et le sort vient d’apprendre à ce tyran jaloux
Notre amour, dont l’ardeur, par le repos contrainte,
Était presque un secret pour nous.

Ce n’est pas qu’il m’ait vu, lorsque la nuit arrive,
Errer auprès de ton séjour ;
Ou, quand tu sors des bois inquiète et pensive,
Veiller de loin sur ton retour,
Il n’a point entendu d’un oreille furtive
Ces vers pour qui ton jeune amour
M’a promis des baisers que ta pudeur craintive
Me refuse de jour en jour.