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LE JEUNE BANNI[1].


RAYMOND A EMMA.


élégie


Muses, qui dans ce lieu champêtre

Avec soin me fîtes nourrir, Beaux arbres qui m’avez vu naitre Bientôt vous me verrez mourir.

(CHAULIEU.)


Le bruit du vent dans le feuillage
Trouble la paix du bois désert.
Le flot expire sur la plage ;
Et dans les échos du rivage,
Prête à mourir, ma voix se perd.
Ces lieux, si chers à mon jeune âge.
Entendent mon dernier concert ;
Seul, bientôt, le bruit du feuillage
Troublera la paix du désert.



Bientôt... Lis sans retard, lis, ô vierge adorée,
Ce que trace ma main par mes pleurs égarée ;
Emma, pardonne-moi, car mon sort est fixé,

  1. Vers le milieu du XIVe siècle, Raymond d’Ascoli, jeune poète, diciple de Pétrarque, voué dès son enfance, par son père, à l’état ecclésiastique, devint amoureux d’Emma Giovanna Stravaggi. Son père, ayant décou vert cette passion par des mots entrecoupés, qu’il lui entendit proférer dans son sommeil, le chassa de sa présence. Raymond, désespéré, s’alla donner la mort dans le lieu même où venait chaque matin sa maîtresse.
    Ce jeune poète, mort à dix-huit ans, était le neveu de ce Cecco d’Ascoli, ami de Pétrarque, médecin de Jean XXII à Avignon, professeur à l’université de Bologne, qui, ayant composé un poeme sur la morale cl l’histoire naturelle, fut accusé d’hérésie et de sacrilège par Dino et Thomas del GarLo ; et brûlé à Florence par le Saint-Office. (Chronique de Lambert, moine du XVe siècle.)