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  Le dirai-je ? à Canton, fameux par son savoir,
Un Chinois de l’exemple a connu le pouvoir.
Ce sage, méprisant tous nos arts inutiles,
De la mode et du goût colifichets futiles,
Crut devoir réserver aux plus augustes mains
L’art, dédaigné chez nous, qui nourrit les humains.
Dès qu’un prince nouveau va monter sur le trône,
Le Sénat le conduit aux bords du Fleuve Jaune ;
Là, pressant deux taureaux d’un royal aiguillon,
L’empereur dans la terre ouvre un large sillon,
Et, sous les yeux ravis de la foule accourue,
Unit d’un noeud sacré le sceptre et la charrue.

  Mais, du bon Yorick [1] imitant les écarts,
Vais-je chanter la Chine et l’empire des Czars ?
Oh ! non reviens, ma muse, admirer mon école.
Là, j’ai mis de Jésus le sublime symbole,
J’ai rempli ses désirs, car sa touchante loi
Dit : « Laissez les enfants approcher jusqu’à moi. »
Au-dessous est ma table, ,et plus loin sont placées
De mes jeunes sujets les banquettes pressées ;
Ces cartes, ces tableaux dont les murs sont couverts
Portent des premiers mots les mélanges divers,
Et l’enfant, qui les voit, aisément s’initie
Aux arts que nous légua l’antique Phénicie.
Mais l’instant est venu : tu vas voir sous tes yeux,
Au temple de l’étude entrer l’essaim joyeux.
Leur chef marche à leur tête en marquant la cadence,
Et chacun sur son banc vient s’asseoir en silence.
Tout se tait ; mais bientôt leur voix s’élève en choeur,
Leur douce voix demande à ce Dieu protecteur,
Qui parmi les Vertus compte l’humble Espérance,
De longs jours pour le roi, de beaux jours pour la France.
La prière a cessé ; chacun avec ardeur
Recommence un travail qu’il quitta sans tiédeur ;
D’abord le maître dicte, et leur main exercée
Sur l’ardoise fragile a transcrit sa pensée.
Le plus faible au combat provoque les plus forts ;
Souvent son jeune chef, couronnant ses efforts,
Compare les essais, sourit, et lui désigne

  1. On connaît ce personnage sous le nom duquel Sterne s’est peint dans ses romans.