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Il accourt ; il entraîne, en sa marche efrayante.
Les peuples subjugués que tu croyais soumis ;
Tremble ! il t’apporte enfin, dans sa main foudroyante,
Ce que tes forfaits t’ont promis !
Que peuvent tes fureurs trompées ?
Vois-tu ces tribus en courroux
Changer leurs chaînes en épées ?
Où vont tes hordes dissipées ?
Aux armes du vengeur, à ses terribles coups.
Tu les crois en vain échappées :
Va, leur sang lavera nos plaines usurpées
Du sang des héros morts pour nous.

« Édouard, un instant ton ivresse a pu croire
Que les fils d’Ossian se tairaient sans remord ;
Va, nous saurons flétrir ton nom et ta mémoire :
Notre récompense est la mort.
Ton pardon eût puni notre lâche silence.
Quoi ! nous aurions flatté ton injuste puissance !
Notre main eût lavé le sang de tes lauriers !
Et, laissant nos héros errer aux rives sombres,
Nous aurions de nos chants déshérité leurs ombres,
Pour célébrer leurs meurtriers,
Nous, grands dieux !... Edouard, quand nous serons esclaves[1]
L’aigle des monts viendra ramper dans les sillons ;
Vois ces nuages : là nos braves,
Nos braves, dont nos chants ont brisé les entraves,
Jouissent de l’effroi de tes fiers bataillons :
Nous allons les rejoindre, et ta rage alarmée
Bientôt nous entendra sur ta coupable armée
Entrechoquer les tourbillons.
Les siècles se diront : À l’Écosse asservie,
C’est en vain qu’Édouard enleva le bonheur ;
Aux fiers enfans des monts il put ravir la vie,
Il ne put leur ravir l’honneur ;
Les chantres des héros, fuyant sa tyrannie,
Aux lauriers des héros ont uni leurs lauriers,
Et les Bardes sacrés de la Calédonie
N’ont pu survivre à ses Guerriers.
Édouard, désormais nous taire est notre gloire,
Nos chants vont expirer ; mais nos noms dans l’histoire

  1. Les huit vers suivants, publiés dans le conservateur littéraire, sont supprimés dans
    originale (1821). [Note de l’éditeur]