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ODES ET BALLADES.

Toi qui gémis, suis notre voie,
Que t’importe le ciel, quand je t’ouvre l’eden ?

la fée.

L’Occident nébuleux est ma patrie heureuse.
Là, variant dans l’air sa forme vaporeuse,
Fuit la blanche nuée, — et de loin, bien souvent,
Le mortel isolé qui, radieux ou sombre,
Poursuit un songe ou pleure une ombre,
Assis, la contemple en rêvant !

Car il est des douceurs pour les âmes blessées
Dans les brumes du lac sur nos bois balancées,
Dans nos monts où l’hiver semble à jamais s’asseoir,
Dans l’étoile, pareille à l’espoir solitaire,
Qui vient, quand le jour fuit la terre,
Mêler son orient au soir.

Nos cieux voilés plairont à ta douleur amère,
Enfant que Dieu retire et qui pleures ta mère !
Viens, l’écho des vallons, les soupirs du ruisseau,
Et la voix des forêts au bruit des vents unie,
Te rendront la vague harmonie
Qui t’endormait dans ton berceau.

Crains des bleus horizons le cercle monotone.
Les brouillards, les vapeurs, le nuage qui tonne,
Tempèrent le soleil dans nos cieux parvenu ;
Et l’œil voit au loin fuir leurs lignes nébuleuses,
Comme des flottes merveilleuses
Qui viennent d’un monde inconnu.

C’est pour moi que les vents font, sur nos mers bruyantes,
Tournoyer l’air et l’onde en trombes foudroyantes ;
La tempête à mes chants suspend son vol fatal ;
L’arc-en-ciel pour mes pieds, qu’un or fluide arrose,