Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305


BALLADE DEUXIÈME.

LE SYLPHE.


Le vent, le froid et l’orage
Contre l’enfant faisaient rage.
— Ouvrez, dit-il, je suis nu !

La Fontaine.
Imitation d’Anacréon.


« Toi qu’en ces murs, pareille aux rêveuses sylphides,
Ce vitrage éclairé montre à mes yeux avides,
Jeune fille, ouvre-moi ! Voici la nuit, j’ai peur,
La nuit, qui, peuplant l’air de figures livides,
Donne aux âmes des morts des robes de vapeur !

« Vierge, je ne suis point de ces pèlerins sages
Qui font de longs récits après de longs voyages ;
Ni de ces paladins qu’aime et craint la beauté,
Dont le cor, éveillant les varlets et les pages,
Porte un appel de guerre à l’hospitalité.

« Je n’ai ni lourd bâton, ni lance redoutée,
Point de longs cheveux noirs, point de barbe argentée,
Ni d’humble chapelet, ni de glaive vainqueur.
Mon souffle, dont une herbe est à peine agitée,
N’arrache au cor des preux qu’un murmure moqueur.

« Je suis l’enfant de l’air, un sylphe, moins qu’un rêve,
Fils du printemps qui naît, du matin qui se lève,